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La Diagonale des Fous...une course qui m'a fait rêver depuis bien longtemps, une course mythique pour tous les coureurs d'ultra.

Inscrit en 2011 sur l'UTMB, je n'ai pas été tiré au sort. En 2012, je suis inscrit, mais la course est raccourci à 100km... Je n'ai donc jamais dépassé les 22h de course, une telle distance sera une découverte pour moi. Comme dit le Président avec humour : "tu n'as encore jamais fait de vraie course".

 

Les divers calculs d'estimations de temps de passage que je tente de faire m'annonce que je peux passer sous les 40h. Il reste néanmoins pas mal d'inconnues : gestion du sommeil, gestion de la technicité des terrains, chaleur, humidité, etcPour aider mes ravitailleurs, je fixe des temps de passage en prenant une base de 38h :

Cette 21e édition sera un peu différente : pour des problèmes politiques, il n'y aura pas de départ à St Philippe, pas de passage au volcan.

Très (trop ?) compliquée l'année dernière, les organisateurs reviennent sur un format classique des grands ultra : 164km et 9900mD+.

 

Arrivée à la Réunion

Après un très long voyage en avion, je suis récupéré par ma soeur le Dimanche 13 octobre à l’aéroport Rolland Garros. Là bas, la Diagonale commence déjà, les coureurs sont accueillis par le comité organisateur : thé, café, jus, samoussas, madeleines et danse maloya.

En attendant l’arrivée de Nadège sur l’île, je profite de la plage où les enfants font de la prépa physique pendant que je me repose.

Manue et Christian sont eux aussi arrivés. Nous nous donnons rendez-vous pour parler stratégie de course.

Le Mercredi 16, c’est le moment du retrait des dossards. Nous arrivons en retard pour le briefing de course et constatons avec horreur une file incroyable pour récupérer les cadeaux coureurs auprès des sponsors. Manue et Christian ont déjà fait un bon bout de la queue et nous invitent à nous joindre à eux. Avec honte, mais grand plaisir, nous acceptons. Après une bonne heure, nous ressortons du stade. Les coureurs les moins chanceux mettrons bien 2h30 pour franchir cette épreuve.

Je conseille aux prochains participants de rater le briefing inutile puisqu’il suffit de lire le règlement et qu’aucun conseil sur le parcours n’est donné, et de venir chercher le dossard en fin ou début de créneau.

Jour du départ

J’essaie de ne pas m'étaler sur l'avant course, mais cette journée est importante et conditionne l'état de repos pour la course.

Je suis une marmotte. Je crains donc beaucoup le manque de sommeil pendant la diagonale. Après 3 jours de plage, je décide d'hiberner pour la journée : levé à 9h30 après 10h de sommeil, je prends un petit déjeuner hyper glucidique et me recouche à 10h30. On me réveille à 12h30 pour manger un plat de riz, je me rendors à 13h30. A 15h30, il est l'heure de partir à St-Pierre chez des copains pour attendre le départ. Je mange un petit gouter et me recouche jusqu'à 19h30.

Là, Sandrine nous a préparé un énorme sauté de minh que je dévore avec plaisir. Douche, habillage, je suis prêt à filer au départ. Prêt, pas tout à fait... je n'ai pas respecté la "théorie des 3 cacas" du Président (En résumé, c'est une théorie assez complexe qui dit qu'il faut toujours aller au toilettes 3 fois avant la course pour être sûr de ne pas être emmer... euh... embêter pendant la course).

Tout au long de la journée, j’ai pris connaissance des messages d’encouragement reçus par mail, sms, facebook, téléphone. la pression monte, mais je ne me sens pas en stress pour autant. Je tente de me persuader que je suis prêt, que je me suis entraîné correctement, que je suis fort, que les dés sont jetés, que tout va bien se passer...

Nous nous garons au centre commercial de la Ravine Blanche. Il y a beaucoup de places pour stationner, c'est bien. Il est 21h30, le départ a lieu à 23h.

 

Départ : St Pierre Ravine Blanche

Pour rentrer dans le sas coureur, je retrouve Manue, mais on se sépare rapidement car je n'ai pas de sacs de ravitaillement à déposer contrairement à elle.

Après le contrôle du matériel obligatoire de mon sac, je vadrouille dans l'enclos. La queue pour les toilettes est beaucoup trop longue, je trouve un yuka isolé pour me soulager de ma sur-hydratation.

Sur une grande scène, Antoine Guillon (et d'autres) est interviewé en direct par Canal+ Réunion. D'autres journalistes se promènent, caméra sur l'épaule, pour interroger les coureurs sur leurs impressions. Des groupes de musique locaux se relaient sur la scène.

Assis par terre, je somnole en écoutant les coureurs autour de moi. Les tambours se mettent en branle, tout le monde se lève. Je suis à côté du dossard n°1, un inconnu qui fête ses 52 ans aujourd'hui. On lui chante un joyeux anniversaire, quand, soudain 22h45, les barrières s'ouvrent. Tout le monde est surpris. Une cohue monstrueuse s'installe, ça pousse dans tous les sens pour se rendre au plus vite, au plus près de la ligne de départ, 300m plus loin.

Je me retrouve très bien placé dans les premiers rangs. J'essaie de me souvenir que mon plan est de partir tranquillement, la route sera longue.

Je suis debout, je ferme les yeux et somnole à nouveau. Un coureur me capte en train de dormir. Je lui dis : "ce n'est pas bon signe, j'ai déjà envie de dormir". Il me répond : "Mais non, ça veut juste dire que tu es détendu". On va dire qu'il a raison !

23h pétantes, le départ est donné après l'installation de la centaine d'élites devant le troupeau.

Ça part très vite, un coureur chute quelques mètres devant moi, je saute par dessus pour l'éviter. J'espère que tout le monde aura la même réflexe, sinon, ça va faire mal.

Le départ est une longue ligne droite de 3km en bord de mer, 15000 supporters sont là et encadrent la file de coureurs. un feu d'artifice pétarade dans mon dos. Je n'ose pas me retourner.

Je cours à 12km/h sur ces premiers kilomètres. C'est trop rapide, mais je vois des gars me passer au sprint, bras tendus, à 20 km/h... je ne comprends pas ce qu'ils font.

Je n'ai pas vu mes supporters locaux parmi la foule. Christian est à quelques kilomètres du départ et m'encourage.

Je mets dans un rythme qui me convient, mais j'ai chaud. J'ai sur moi le t-shirt underarmor du PAC et celui, obligatoire, de la course avec les sponsors, les manchons rabaissés aux poignets. Je sais qu'il va faire froid en altitude, en haut de ces 2200m de montée.

Domaine Vidot - 1h34 - 14km 660mD+ - 293ème

9km/h de moyenne pour parcourir ces premiers kilomètres au milieu de champs de canne. Quand je sais que j'ai tablé pour un 4.3km/h au final, ça va trop vite.

Le sol est globalement sec, mais les pluies des 2 derniers jours ont mouillé la surface qui colle sous les chaussures.

Dans un virage, je ressens une petite tape dans le dos. Manue est là et me dit : "Tu es parti trop vite !". Elle n'a pas tort, j'avais dit que j'allais m'enfoncer dans le classement pour doubler ensuite et me donner le moral. Tant pis, c'est fait de toutes façons.

On poursuit ensemble la montée.



Mes ischios sont douloureux. Je n'ai aucune souplesse. Ils me lancent des aiguilles et semblent vouloir se faire de la place dans la gaine musculaire. Je ne suis pas trop inquiet, j'ai déjà eu ça aux Citadelles cette année, c'était passé au fil de la course.

Dans un village, des centaines de supporters sont là pour nous encourager. Ils ont créé un couloir mono-trace comme dans les plus grands cols du Tour de France. C’est vraiment sympa, l’ambiance est énorme.

 

Mont Vert les hauts - 3h30 - 24km 1600mD+ - 240ème

Nous passons le ravito de Mont Vert. Manue remplit sa gourde supplémentaire qu’elle avait laissé vide jusqu’ici. Il faudra que je pense à ce genre d’astuce, ça fait toujours 500g de moins à transporter.

Jusque là, le chemin n’était pas du tout technique : très large au milieu des cannes à sucre ou sur route. Là, il devient intéressant. On s’enfonce dans les bois sur un chemin monotrace, on joue avec les racines, on évite les arbres, on descend quelques mètres pour remonter un raidillon. Nous sommes passés en mode trail.

Ce rétrécissement de chemin a une conséquence : le peloton se tasse. On se retrouve le nez dans les fesses du voisin de devant. On ralentit un peu, mais la perte de temps n’est pas dramatique.

J’apprendrai après la course qu’à cette endroit, certains coureurs ont été arrêtés plus d’une heure et demi ! Un copain est tombé en hypothermie à cause de cet arrêt et a dû dormir sous sa couverture de survie après 30km de course… Il finira tout de même, sacré volonté. Il faudra que les organisateurs revoient cette partie là, mais pour nous, en début de peloton, c’est plutôt sympa.

Dans cette forêt, il y a de très hautes marche à franchir. Plus de 80cm pour certaines.

Sur l’une d’elles, je prends mon élan et poum ! Je me retrouve arrêté net par un choc à la tête. Mon cou se contracte violemment, mon cerveau fait un aller retour boîte crânienne, estomac, boite crânienne. Je vacille. Je n’avais pas vu le joli tronc d’une trentaine centimètres juste au dessus de la marche.

Je repars en me disant qu’il va falloir être aussi attentif aux obstacles au sol qu’à ceux suspendus.

On atteint le bord de l’enclos du Volcan et des pâturages. Un petit vent frais se lève, nous sommes dans les nuages. Des gouttelettes d’eau en suspension créent un halo devant nos frontales.

J’ai perdu Manue, je ne sais pas depuis combien de temps. Pour les accros de la Cité de la Peur : “elle était là, et soudain, plouf, elle était plus là”.

On passe plusieurs enclos à bétail en utilisant des escaliers en bois. On retrouve ensuite une belle descente roulante sur une route forestière qui remonte ensuite vers le ravitaillement de Piton Sec. Le chemin continue ensuite dans une végétation basse et rejoint la route du volcan qui passe par Piton Textor.

 



Piton Textor - 6h20mn - 40km 2600mD+ - 213ème

Le soleil commence à pointer son nez derrière le Volcan et à éclairer le sommet du Piton des Neiges. Fin d’une belle et longue ascension, j’atteins enfin Piton Textor et son ravitaillement.

Là haut, Sandrine et Raph, amis champions de trail, m’attendent pour me ravitailler.

Sandrine, égale à elle même, fait un bruit d’enfer, hurle, encourage et sonne sa terrible cloche ! ça fait du bruit, mais, je dois l’avouer à contre-coeur, ça fait du bien ;)

Ils sont là pour gérer le ravitaillement de l’équipe locale A2R. Ils m’apprennent que Seb, que j’ai déjà rencontré en 2009 sur le GRP (il finit 16e !), est juste devant moi. un autre indice qui me dit que je suis parti un peu vite.

 

Je repars. Mes ischios sont toujours douloureux.

La descente vers Mare à Boue est très agréable et roulante avec une vue magnifique sur le Piton des Neiges. On arrive sur un bout de route où j’ai du mal à courir. Je manque complètement de souplesse, je suis obligé d’actionner la foulée économe de l’ultratraileur : aucun rebond, foulée courte et rasante. Je me fais déposer par plusieurs coureurs mais je me cale avec un marathonien qui découvre l’ultratrail. Je discute un peu, donne quelques conseils comme si j’étais un professionnel.

Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir noté les dossards des coureurs avec qui j’ai discuté. J’aurais aimé savoir si la course s’était bien passée pour eux.

Mare à Boue - 7h30 - 50km 2600mD+ - 183ème

La famille ! Ils sont là à m’attendre sagement.

J’ai 2h d’avance sur l’objectif, mais il était connu que mon prévisionnel était très très pessimiste pour ce début de course très roulante.

Je passe le ravito rapidement en récupérant un ou 2 trucs à grignoter dont un morceau de poulet grillé. Je suis content de retrouver tout le monde.

Ils ont l’air en forme et contents me voir avec le sourire (ou presque). Ils n’ont pas pris d’eau avec eux alors que je m’attendais à ce qu’ils en aient. On emprunte de l’eau à un groupe de supporters à côté. Rien de grave, mais ma mauvaise humeur n’a pas dû leur faire plaisir, je les prie de m’excuser !

Je repars vers le Coteau Kerveguen. Le parcours sillonne parmi les pâturages. On reprend quelques échelles en échelle en bois. Le terrain est extrêmement sec. Cette partie est horrible en cas de pluie et se transforme en terrain boueux made in Citadelles ©. Je ne vais pas me plaindre et poursuis l’ascension.

Je double quelques coureurs, je me fais doubler et finit par m’accrocher à un groupe de 3 coureurs d’une trentaine d’années qui se connaissent. Je discute avec le gendarme local du groupe qui m’explique quelques éléments du parcours.

On rencontre aussi Gino, sponsorisé par Endurance Shop. Un gars qui pourrait viser le Top20 mais qui se promène en papotant et en répondant à son téléphone toutes les 5 minutes.

J’apprendrai après la course qu’il participait à une émission en direct et qu’il était appelé sur son téléphone pour donner ses impressions live.

La montée du Coteau Kerveguen est longue mais très belle. On a un superbe point de vue sur la forêt de Bébour. On passe une partie très vertigineuse avec de grands escaliers métalliques.

Une petite fatigue s’installe chez moi. Je me cale dans les pas du groupe devant moi. Raph m’avait prévenu que j’aurais mon premier coup de barre à ce moment là. Je ne sais pas si j’ai obéi à son injonction ou si la fatigue était réelle, mais j’étais fatigué.

On arrive enfin au sommet du coteau et on bascule dans le cirque de Cilaos. Le point de vue est superbe.

Gino nous informe qu’il faut bien compter une heure pour la descente jusqu’à Mare à Joseph et qu’elle est dangereuse.

En effet, c’est là encore très impressionnant. Je me crois bon descendeur, mais je me fais déposer par pas mal de coureurs. C’est frustrant. J’ai l’impression d’être nul… Je n’ai pas eu de pensée pour JC à ce moment là, mais en écrivant ces lignes, j’y pense, et je me dis que ça doit être frustrant de ne pas être dans le même rythme entre montée et descente.

On passe au petit ravito de Mare à Joseph et on rejoint une partie beaucoup plus roulante.

Après cette longue descente et les milliers de marches en bois, mes genoux sont déjà fatigués. Le coup de barre est là, je n’avance plus. Je vois des coureurs me passer et je les laisse partir sans me battre.

Ça descend très raide à nouveau sur une petite partie. Une envie très pressante me prend, je n’ai pas respecté la théorie des 3 cacas du Président… Aucun moyen de m’isoler. Je calcule le temps d’avance que j’ai sur le coureur derrière moi pour savoir si je dois me cacher vraiment ou si je m’arrête à l’arrache. Un semblant de pudeur est toujours présent, je finis par trouver une petite bifurcation et sprinte pour… ben, vous avez compris.

Je repars tout guilleret, détendu.

 

Cilaos - 11h00 - 65km 3500mD+- 168ème

J’arrive dans la ville de Cilaos.

Je sais que mes supporters vont être là. C’est un grosse base de vie. J’ai prévu d’y faire un arrêt prolongé.

En effet, tout le monde est là sur le stade. Je change mes chaussettes poussiéreuses et humide, je demande que l’on trie les bananes et fruits secs de mon sachet de graines car il est trop sucré et qu’il fait chaud.

Christian m’apprend que Manue n’est pas au mieux, qu’elle a pris du retard sur son prévisionnel, mais qu’elle avance.

Je repars pour m’arrêter 50m plus loin au ravitaillement A2R pour manger une belle grosse patate au sel et une banane.

En mangeant cette patate, je regrette de ne pas m’être préparé ça pour filer à mes ravitailleurs. Cette année, je n’ai fait ni bonbon patate-babybel, ni croque monsieur. En tout cas, je suis super content de profiter d’A2R. On me propose un massage des pieds et mollets, mais je préfère décliner : rien de nouveau en course, c’est la règle. Je ne me suis jamais fait masser, je préfère ne pas tenter le coup.

Je repars, content, avec la banane et une grosse patate, au sens figuré cette fois.

Il faut descendre vers Cascade Bras rouge et remonter ensuite les 1100mD+ vers le Taïbit et le cirque de Mafate. Je descend a très bon rythme et grille un 1er coureur, puis un 2e après de longues minutes. On est de plus en plus espacés.

Je passe la rivière bras rouge et entame cette longue montée.

Il fait très très chaud. Je regrette de ne pas avoir mouillé mon buff dans la rivière. 200mD+ plus haut, je double un coureur créole qui semble complètement hagard près d’une petite source. Je lui parle; mais il ne semble pas me comprendre. Je n’oublie cette fois pas de mouiller mon buff et repars. Certains passage sont très craignos. On passe de petit éboulis de roches très fine. Le chemin ne fait pas plus de 50cm de large et à notre droite, c’est un terrible toboggan de tout petits cailloux. J’ai une petite pensée pour ma Maman qui a fait une chute en rando à la Réunion il y a 6 mois et s’est cassée vertèbre et clavicule. J’ai la peur en ventre, mais j’avance.

Au pied du Taïbit, je retrouve la route et mes supporters familiaux de choc. Je ne les reverrai plus avant la sortie de Mafate au Maïdo dans une douzaine d’heures si tout se passe bien.

Je repars assez rapidement pour cette montée. Mon rythme est bon. Je suis environ à 700mD+/h. Depuis Cilaos, je n’ai pas de coup de barre. En haut du Taïbit -- JC a déjà fait tous les jeux de mots du monde concernant le Taïbit, je préfère ne plus en faire ;-) -- on entre dans le cirque de Mafate et l’on trouve de jolis nuages. C’est dommage pour le paysage, mais la baisse de température fait du bien aux organismes.

Je garde peu de souvenirs de la descente vers Marla, elle a dû être facile et rapide.



Marla - 14h20 - 77km 4800mD+ - 117ème

Y’en a “marre là” (super jeu de mot !), non, l'arrivée au ravito de Marla est sympa. Du bon reggae anime l'ambiance sonore, une odeur agréable de poulet grillé stimule mes papilles. Je prends une assiette de pâtes, 2 cuisses de poulet, une soupe aux vermicelles comme à tous les ravitos où il y en a, et un verre de coca coupé a l'eau.

Je me fais servir a table comme une princesse et discute avec mon voisin. Il est “djeuns”, habillé avec un long short de plage superman bleu, original pour faire 160km..., et me raconte qu'il vient de retrouver une forme d'enfer. Il m'a effet mis un vent énorme dans la montée précédente. On repart ensemble du ravito. Les antennes paraboliques de canal réunion sont là pour la retransmission en direct.

On file au travers de pâturages et petite rivière. Une fille déboule tout à coup et me largue rapidement dans un petit faux plat technique. Un autre coureur me rejoint et m'explique que c'est Émilie Lecomte, la gagnante de l'édition 2012.. Et bien, elle est vive.

Après course, j'apprendrai qu'elle était au fond du trou à Marla, et qu'elle abandonne finalement au col des boeufs. Difficile de croire qu'elle était au bout de ses capacités...

En tout cas, je me trouve du coup un compagnon de route : sponsorisé par Endurance Shop en Bretagne, 2h55 au marathon, 36min au 10km, 2e senior au grand raid du Morbihan... j'ai pas (encore ?) le même CV... on discute. La montée au travers de la plaine des tamarins est surréaliste et magnifique.

On arrive au col des boeufs, il faut enfiler les vestes car un vent froid souffle depuis le cirque de Salazie. Nous arrivons au ravitaillement. Je prends une soupe auprès des sympathiques bénévoles, mais je suis inquiet : je pensais que Raph et Didine seraient là. J'ai peut être été trop rapide ;)

Le temps de sortir mon portable, Édouard, le partenaire de montée s'échappe... (et terminera 30min devant moi, lui, j'ai retenu son dossard !). J'arrive à joindre Raph qui me dit qu'ils sont au sentier Scout, le ravito à quelques kilomètres. Cool ! Je suis rassuré. C'est complètement illégal, mais Raph a prévu de parcourir le cirque de Mafate avec moi, et c'est pour mon plus grand bonheur.

Je descends donc rapidement au ravito d'après pour retrouver Raph et la cloche... enfin, Didine quoi !



Sentier Scout - 16h39 - 86km 5300mD+ - 92ème

Ils ont la pêche ! Ils m’apprennent que Seb est désormais derrière moi. Il a pris un coup de chaud dans la montée du Taïbit.

Raph, mon dalon, s'engage avec moi dans la descente qui revient vers Mafate. Il loue mes capacités de descendeur, flatte mon ego, et écoute attentivement mes vantardises.

J'avance à bon rythme dans la descente. Le sentier est technique avec de beaux lacets. La vue sur Mafate est époustouflante, bien mieux qu'à Marla. La pente s'affaiblit, puis s'inverse. On se retrouve sur un chemin en bord de falaise avec une main courante pour sécuriser la progression. La falaise se termine, le vide est désormais des 2 côtés, incroyable ce chemin sur l'arête.

On redescend à nouveau. C'est long. Les quadris s'épuisent, les genoux grincent, le moral faiblit. Raph sifflote, prend des photos, tapote des sms… le fourbe !

On s'engage dans une ravine très profonde. Le chemin en zigzag est visible de l'autre côté, il va falloir serrer les dents. L'euphorie de frime est passée, me voilà de retour dans le monde réel d'une course d'ultra : il faut du mental. Seulement, je ne suis pas seul et, du coup, j'ai une oreille attentive pour mes plaintes... et je ne me prive pas.

Le bas de la ravine arrive finalement. J'ai laissé partir plusieurs coureurs. On traverse une passerelle uni personnelle, qui me rappelle un passage de la fin de la TDS en 2011.

La remontée se fait sur un petit sentier en corniche avec… des marches, encore des marches, toujours des marches.

Après une remontées dans un bois de Filaos, on croise quelques énormes bambous et l’on arrive à Ilet à Bourse avec sa petite musique reggae. On ne traîne pas.

Il y a encore 2-3 ravines à franchir pour atteindre Grand Place.



Grand Place - 18h35 - 97km 5700mD+ - 91ème

Ce ravito est tenu par les militaires. Leur rigueur est impressionnante : ils ont aligné une quantité d’assiettes plus que suffisante et attendent à une bonne dizaine : je blague sur le fait que je semble être très attendu. Je leur demande en rigolant ce qui cloche sur leur ravito pour qu’il y ait si peu de clients.

Je me sers 2-3 bananes, un verre coca-eau, une soupe. Un ravitailleur s’approche de moi et me dit : “Tu sais, la nuit se couche dans une heure et une grosse descente très technique t’attend vers la roche ancrée, il te reste une chance de la faire de jour. Il vaut mieux ne pas traîner ici”.

Je plaisante en disant que je comprends mieux pourquoi ils ont si peu de clients et le remercie du conseil en filant.

On remonte directement. Il y a un peu de dénivelé à faire avant d’entamer la grosse descente.

Arrivés en haut, le rempart du Maïdo nous fait face : c’est une muraille impressionnante. Je savais que c’était un gros morceau, mais le voir… c’est autre chose.

La descente vers la roche ancrée est très pentue, en petits zigzag et très longue, mais ça se fait. On allume les frontales juste en bas, au bord de la rivière des Galets.

On discute 2 minutes avec un copain de Raph qui attend Seb d’A2R.

J’en profite pour regarder mon profil de course. Je vois qu’il y a 500m de différence d’altitude entre Roche Ancrée et Roche Plate… sauf que 500m de différence d’altitude, ne font pas 500m de dénivelé si on joue au yoyo en montée-descente, mais ça, je ne le sais pas encore.

La montée est directement très rude. Je ne vous parle pas du terrain qui est forcément composé de marches, toujours plus ou moins hautes : des marches en rondins de 10cm ou des marches de 80 cm quand elles sont en gros cailloux.

On se fait 200mD+, on passe un petit col et on aperçoit une frontale 200m plus bas ! Quelle horreur, mais c’est quoi ce truc ! Je commence à saturer. J’ai 100km dans les jambes, j’ai envie de m’arrêter un peu, j’en ai marre de cette course contre le chrono et de ce ravito qui n’arrive pas.

On remonte encore un autre petit col, on redescend, puis on repart vers la gauche alors que les lumières de Roche Plate sont visibles complètement à droite… Grrr.

On croise un Gouzou dans cette longue montée. Les “Gouzous” sont de petits personnages tagués partout dans l’île (et dans le monde !) par un artiste réunionais, ça redonne un peu le moral.

Je me fais doubler par deux avions créoles qui discutent effrontément. Cela casse un peu plus les jambes et rallonge encore un peu plus la route.

Raph est devant moi, il m’encourage, me tire, me parle. Mais un petit ras le bol s’est installé.

J’ai décidé que j’allais tenter de dormir au prochain ravito. Je ne crois pas vraiment que ma fatigue soit vraiment un besoin de sommeil, mais j’ai envie d’une pause. 20 minutes, pas plus. Cela pourrait permettre à Seb de revenir sur moi et nous pourrions peut-être repartir ensemble.

 



Roche Plate - 21h22 - 105km 6800mD+ - 100ème

On arrive enfin !

Jean-Louis, le patron ravitailleur d’A2R, est là pour nous accueillir. Je demande à dormir, on m’indique qu’il y a un dortoir dans une grande tente, au calme, à l'écart du ravitaillement.

Jean-Louis m’escorte. Je demande 20 minutes de pause, je me cale dans le 1er lit sous une couverture.

Le lit de camping en toile n’est pas un 4 étoiles. Mais ce n’est pas le plus grand problème. A côté de moi, un gentil coureur répond nonchalamment à son téléphone et explique qu’il est fatigué, qu’il essaie de se reposer un peu, etc. Cela dure bien 10 min avant que je craque, à bout de nerf, en demandant le silence.

Le dortoir devient silencieux… jusqu’à l’appel reçu par le copain du premier coureur ! Un autre coureur hurle et demande le silence. Le gentil standardiste sort et se pose dehors à un mètre de la toile. En gros, ça ne change rien pour moi, je l’entends toujours autant.

Raph arrive pour me réveiller. Je suis énervé. Je n’ai pris aucun repos, j’ai les nerfs à fleur de peau, je ne tourne pas autour du pot, et demande 10 min en cadeau (j’adore mes rimes de poète).

10 min plus tard, Raph revient. Ces 10 min ont été beaucoup plus calmes, mais je n’ai pas réussi à dormir. Je m’en veux de cet abus de confort, il faut que je me remette dans la course.

Je reviens au ravito. Seb est là, prêt à repartir. Moi, je ne suis pas prêt du tout.

Jean-Louis va me faire le plein de ma poche à eau, je refais mes lacets, attrape mon sac, hop, je repars.

Seb est devant, j’aimerai bien revenir sur lui rapidement.

On repart donc à très bon rythme. Je double quelques coureurs et arrive à hauteur de Seb.

Il n’avance pas très vite. Il semble fatigué.

De mon côté, la pêche est revenue. Je finis par doubler Seb et suis sa recommandation : ne pas l’attendre. Je monte à bon rythme. Je crois me souvenir que j’ai doublé quelques coureurs, une coureuse aussi.

La montée est longue. 900m de dénivelé à faire. La lune est présente et permet de deviner le profil de ce superbe rempart qu’est le Maïdo. La sortie du cirque de Mafate est là haut, la famille aussi, j’ai envie d’y arriver.

Raph continue de taper ces SMS. Il m’annonce d’ailleurs que Nadège est reçue à son concours ! Bravo ma Doudou ! Une raison de plus pour arriver au sommet et la féliciter. J’avais aucun doute sur sa réussite, elle est forte ma Doudou, mais la nouvelle donne la pêche.

La fin est dure. La pente est moins forte, j’ai du mal à reprendre de la vitesse. J’ai la tête qui tourne un peu, les jambes qui ramollissent… l’hypoglycémie me guette. je réalise que je n’ai quasiment rien mangé au Ravito de Roche Plate. J’étais focalisé sur ma pause sommeil et j’avais envie de repartir avec Seb, j’ai complètement oublié l’alimentation.

Je mange un truc, Raph me donne un bout de gâteau (ouille, c’est triché ça, déjà que j’ai un pacer, en plus, il me ravitaille en course.. pas bien !). J’ai un sentiment de culpabilité, mais bon, je ne joue pas le podium non plus et c’est surtout la politesse qui m’a fait accepter ce gâteau.

Maido tête dure 24h30 - 111km 7800mD+ - 98ème

On y est ! Piton les Orangers ! Le public scande “Aller Doudou” avec Nadège, ma soeur, le beauf, les enfants, mais pas de cloche ! Enfin si, Sandrine est là aussi, mais elle a eu peur du tapage nocturne et est venue sans accessoire.

Je leur dis tout de suite que j’ai faim. J’avale pas mal de trucs dont 3-4 mini-toblerones dont j’ai un très bon souvenir.

Il fait froid là haut, je repars rapidement, le temps ne donne pas envie de traîner.

On atteint rapidement le ravito à Tête Dure. Je reprends à manger, à boire, et on repart presque aussitôt. Un groupe de musique type Bandas est posté au bord de la falaise et joue des rythmes bien sympa entre chanson paillarde et petit bonhomme en mousse.

Il y a un long morceau à se farcir en descente et une petite relance jusqu’à Îlet Alcide. J’ai la patate, j’avance bien. Le chemin est vraiment joli. On alterne les terrains souples de sous-bois, des gros cailloux, des racines épaisses, les arbres sont assez variés. Joli. Je double quelques coureurs, je suis euphorique.

Mais comme d’habitude, la descente est très longue. Les genoux commencent à durcir, le ligament du genou gauche grince et voilà, ça devient dur. Le moral s’effondre. Les lumières de Saint-Paul sont visible au loin et permette de se rendre compte du chemin qu’il reste à parcourir. Ce n’est pas motivant. Ma montre GPS confirme qu’il reste encore un gros dénivelé à faire pour atteindre la ravitaillement de Sans-Souci.

On sort de la forêt après Îlet Alcide pour rejoindre une piste au milieu des champs de Géranium. Des marches, toujours des marches. Cette fois, elles sont toutes petites et composées de rondins de 10 cm qui permettent de dévier l’eau et d’empêcher l’érosion du chemin.

S’armer de patience, il faut. Se rappeler que plus on se rapproche, plus on est près… ça paraît bête comme ça, mais c’est vrai !

Je me mets dans une bulle et repense au mec bourré qui nous avait encouragé au départ de la Maxi-Race d’Annecy en 2012 : “Vous êtes des machines !” scandait-il. Voilà, il faut se mettre ça en tête, vider le cerveau, mettre un pied devant l’autre et devenir une machine qui avance, qui avance.

Sans Souci - 27h00 - 124km 7800mD+ - 82ème

La descente finit sans-souci… à Sans-souci. On entend une musique festive qui résonne de loin, un DJ qui entraîne une foule à danser. On se dit avec Raph : “Wouhou, sacré ambiance ce ravito !”. Mais non, ce n’est pas le ravito, c’est un mariage à la salle des fêtes locales.

Côté ravito, c’est plutôt calme. Il est 2h du matin, mais le fan club familial est toujours là.

Raph va me quitter ici, je vais devoir terminer seul. On aura fait 40km ensemble. C’est de la triche tellement cela m’a aidé. Je lui dois une fière chandelle.

Je file au ravito. Je déguste 2 bonnes crèpes à la confiture, discute avec les bénévoles toujours aussi sympathiques, fais le plein d’eau, fais un bisou à tout le monde, fais une accolade virile avec le Raph, et c’est reparti. Il va falloir traverser la rivière des galets et rejoindre le Stade Halte-là tout seul, comme un grand.

Je me perds un peu dans le dédale des rues de la possession. Je rejoins la rivière des galets par un chemin mal tracé. Cette rivière est impressionnante : un filet d’eau de 5m de large perdu au fond d’un lit de galets de 300m de large !

Je me fais doubler sur le plat par un coureur. J’essaie d’accrocher, mais j’ai pas le mental sur le plat. Les ischios tirent, il faudrait vraiment que je m’assouplisse, je ne sais pas courir sur le plat.

On rejoint d’autres coureurs de l’autre côté du fleuve et on entame la remontée du bord opposé.

ça monte sec, mais ce n’est pas très long.

Possession Halte là 28h00 - 129km 7900mD+ - 74ème

J’arrive au stade. L’ambiance est morose. C’est une base de vie, mais je ne vois pas grand monde. A 3h du mat, c’est plutôt normal. La pause à Sans-souci n’est pas bien loin, je n’ai pas besoin de grand chose.

Je pensais que la famille serait là, mais non, personne. Ils ont dû filer dormir ou raccompagner Raph, c’est normal. Je quitte donc le stade et commence à monter en suivant un coureur.

Tout à coup, j’entends un “Doudou !”. Je me retourne, ma Doudou est au milieu du stade à 50m de moi et me demande si j’ai besoin de quelque chose, je hurle que non, merci. Et continue mon chemin.

J'apprendrai après mon arrivée que Manue fera halte là et abandonnera ici. Ses genoux ne veulent plus, la douleur des tendinites était trop forte. Déjà deux fois finisher, elle n'avait pas envie de finir dans la souffrance.

Cette montée fait 600mD+. J’avais estimé la faire en 1h30, mais je me sens en forme. Ça commence à sentir bon l’arrivée, les cuisses fonctionnent toujours bien en montée, j’en profite tant que ça dure.

J’avale ce bout là en une heure. Je suis heureux de voir que je largue rapidement un concurrent et me donne en point de mire la frontale que je vois au loin.

Le chemin n’est pas très beau. On passe au départ dans un lotissement puis un chemin le long des cannes à sucre.

Je découvrirai plus tard que ce chemin borde la rivière des galets et qu’une falaise impressionnante se trouve à ma droite. Je n’ai rien vu, rien senti, pas un souffle de vent. De jour, cette partie doit être beaucoup plus sympathique.

J’arrive à un pointage manuel en haut en un peu moins d’une heure. Je suis content de cette montée, j’ai gratté une demi-heure sur mon prévisionnel. J’ai désormais 3h d’avance, il va falloir tenir.

Je prends un bout de route, j’ai toujours un coureur en ligne de mire. On entre dans un petit bout de forêt en forte descente. La descente, c’est mon fort. Je suis fort en descente… mais là, ce n’est pas une descente, c’est de l’accrobranche. Le chemin est composé de blocs de rochers de 60cm à 1m de diamètre. La pente est très forte, mais heureusement, la nature a placé de jolis arbres et lianes pour nous permettre de freiner.

C’est toujours la pleine nuit, la frontale écrase les reliefs, la progression est vraiment difficile. Je me rapproche très doucement du coureur devant moi.

On sort enfin du bois sur une route goudronnée pour atteindre le ravito du chemin Ratineau.

Chemin Ratineau 29h20 - 135km 8500mD+- 68ème

Un grand type looké traileur sponsorisé nous accueille. Il connait le coureur qui était devant moi et me conseille de rester avec lui car c’est un bon. Il me félicite de mon classement, me demande si ça va, bref, encore un bénévole serviable et agréable. Je boulotte rapidement 2-3 fruits sur le ravito et repars.

J’ai tout de suite du mal avec le balisage. Il n’y a pas de rubalise, mais il n’y a qu’une seule route. Je suis dans le doute. Je me mets à marcher dans la descente goudronnée pour que le coureur que j’ai finalement doublé me rattrape.

Il est du coin, connaît bien les parcours, mais parle avec un accent créole énorme. Déjà que je n’ai aucune facilité pour la compréhension des langues et accents en temps normal, avec la fatigue, c’est catastrophique, je comprends rien quand il me parle.

Je reste juste devant lui et il m’indique les croisement à prendre.

On s’engage dans la forêt de Kalla. Encore une descente à la Tarzan, on passe une rivière en fond de ravine et on grimpe en face. La montée se fait à 4 pattes dans une pente très forte et des gros rochers.

Mon partenaire me dit que la montée n’est pas longue. Après une grotte, ce sera presque fini.

Il me colle au fesse, je lui demande si il veut passer. Il décline. Il me stresse à me coller !

La montée s’éternise, c’est pas long qu’il disait… tu parles, 10min après la grotte, on est toujours à grimper à 4 pattes.

Je trouve assez incroyable que l’on fasse passer les coureurs par là. J’ai l’impression que l’organisation a choisi le chemins les plus compliqués que l’on puisse trouver.

Ça finit par finir.

Le chemin redescend, toujours aussi technique. J’interroge mon suiveur, qui me dit que cela va bientôt se transformer en route. Il a dû mal à trouver ses mots en français. Il me donne un qualificatif du chemin en créole, je ne comprends pas, il me résume ça par “route empierrée”.

Je me dis chouette, ça va rouler jusqu’à la Possession.

Le chemin se transforme dans un premier temps en route forestière, mon suiveur devient mon prédécesseur et me largue rapidement. Il faut courir, c’est plat, je ne sais pas faire, je suis fatigué.

Le chemin devient plus technique. De la poussière rouge et des gros cailloux de 20 à 40cm, bien ronds et roulants. J’attends avec impatience cette “route empierrée”. Les minutes passent, les quarts d’heure, une heure… toujours pas de route mais ce maudit chemin plein de cailloux. Mes genoux grincent, je n’arrive pas à les plier correctement, je suis mentalement absent, je marche.

Je réalise tout à coup que par “route empierrée”, le coureur créole entendait peut-être “chemin avec pierres”. et là, je reprends encore plus un coup au moral.

Le jour se lève. J’avais prévu 1h30 pour la montée, j’en ai mis 1h. Mais pour la descente, j’avais prévu 1h et là, j’atteins les 2h. J’espère que mes supporters ne s’inquiètent pas trop à la Possession

Je poursuis ma marche en descente, le moral dans les chaussettes. Les minutes défilent d’autant plus que les kilomètres n’avancent pas.

J’ai une petite douleur au talon. Un petit caillou est coincé derrière ma chaussure et refuse de s’enfuir dans le fond de la chaussure malgré mes tapements de pieds. J’ai la flemme de m’arrêter.

Après 2h30 environ, j’entre dans la ville, il y a une dizaine de personnes qui applaudissent les coureurs. Je demande si le ravito est loin, on me répond que “c’est par là”. Par là, ok, mais c’est loin ? 5 min à courir dans les rues de la ville et je tombe sur Ben qui est venu à ma rencontre. Il m’annonce qu’il faut encore un petit kilomètre pour atteindre le ravito.

Il est 6h du mat, mais il y a déjà pas mal de monde qui gravite dans la ville et les parcs.

Le kilomètre me semble interminable, j’ai dû demandé 15 fois à Ben si c’était encore loin. A force de poser la question, ce n’est plus très loin et on y arrive.



Possession école - 31h15 - 143km 8700mD+ - 68ème

La famille est là, fidèle au poste.

Je me plains de la difficulté technique de la descente. Nadège m’apprend qu’un coureur juste devant vient d’abandonner à cause d’un ras le bol global. Je le comprends, mais ça me paraît une raison un peu faible pour arrêter.

Je me pose pour changer de chaussures. J’ai les pieds très sales. La poussière de la “route empierrée” a pénétré partout et s’est amalgamée autour des orteils.

Il y a une douche pas loin, je décide de m’y laver les pieds.

Le petit caillou m’a meurtri le talon, j’ai un petit point sur le talon. Je ne prends pas de risque et pose une double peau par sécurité.

Je fais le plein d’eau, je mange et repars, regonflé comme à chaque fois que je croise mes supporters familiaux.

J’emprunte la 4 voies sur un petit kilomètre. C’est nul, ça pue, c’est moche, mais ce n’est pas très long.

Je sais que la suite du parcours va se faire sur le chemin des anglais : chemin composé de gros pavés de roche volcanique plus ou moins bien agencés.

Il démarre en forte montée, pile en face du soleil levant. J’ai mes lunettes de soleil, mais je n’y vois rien. Le chemin se transforme un peu, je passe le long d’une maison et j’entends : “vous vous trompez, c’était à gauche”. Je lève la tête et m’aperçois que je viens de rentrer dans la cour d’une maison… Je remercie mon sauveur et reprends le bon chemin.

La montée sur les pavés est plutôt facile. J’ai un bon rythme. Je ne vois personne derrière, personne devant. La pente s’assouplit et permet de couroter. Tic tac, tic tac, je calcule ma foulée pour poser mes appuis sur les gros pavés.

Un coureur me rattrape. Je suis effaré par son rythme, il y a 2min, je n’avais personne derrière moi. C’est en fait un coureur à l’entrainement. Il me demande si tout va bien, me félicite pour mon exploit et m’explique qu’il fait du triathlon long (Ironman) et commence à être tenté par le trail. On papote pendant une bonne demi-heure, je n’ai pas vu le temps passer.

Tout à coup, nous sommes interpellé par des organisateurs qui s’adresse à nous :

- “Vous êtes ensemble ?”.

Mon compagnon répond :

- “Oui, oui, je suis avec lui”.

- “C’est interdit Monsieur !”.

Je pâlis. Je me défends rapidement :

- “Je ne le connais pas ! Il faisait son footing et m’a rattrapé, mais ce n’est pas un ami à moi !”

- “Il va devoir rester ici et ne pourra pas continuer”

Je pars sans dire au revoir, terrorisé de prendre une pénalité injustifiée.

La dernière descente de ce chemin des anglais est très bordélique. Les pavés sont sans dessus-dessous, il faut jouer avec les appuis à droite à gauche. Après 150km, ce jeu que j’apprécie habituellement dans les Pyrénées devient vite un calvaire.

Grande Chaloupe - 32h45 - 150km - 68ème

La famille est toujours là ! Je m’arrête un peu avec eux, refais le plein d’eau, remets de la crème solaire. Le moral est bon, ça sent la fin, ça sent le bonheur.

Je repars rapidement pour avaler les derniers 900mD+ qu’il me reste.

Le chemin est toujours celui des anglais. ça monte fort, mais je tiens le rythme.

Je vois en haut d’une montée un peu raide une petite mamie installée sur le côté du chemin. J’attends de me rapprocher pour relever la tête et lui faire un sourire pour glaner un encouragement.

Je lève la tête, mais là, problème, la grand-mère s’est transformée en tronc d’arbre. Ma première hallucination. Je ne saurai jamais si c’est la fatigue, le soleil en face ou mon astygmatie qui m’a joué des tours, mais je repense au parasol Kronenbourg que JCK avait vu en haut d’une montée et ça me fait sourire.

Un croisement plus tard, je revois à nouveau un supporter fictif à la place d’un arbre, puis une 3e fois. A la fin, j’en étais moi-même à chercher des illusions, j’en souriais tout seul.

Je n’avais pas du tout regardé cette partie du parcours. Je suis surpris de voir très loin à ma gauche l’antenne de Colorado. Entre nous, de la ville, une ravine, de la forêt… le chemin va être long.

Le chemin des anglais se termine. Je me retrouve à courir en descente sur de la route, Je vois très peu de rubalise et la route est super dangereuse : pas de trottoir, les voitures me frôlent, les gens me snobent, je ne reçois aucun signe d’admiration comme avec tous les gens que je croisais jusque là sur le parcours. Pas chouette.

Je sors mon portable. J’entendais dans la montée les SMS arrivés en chantant leur petit bip si encourageant. Je décide d’en profiter et faire monter un peu la satisfaction et l’endorphine associée.

Je réponds à Manu, mon gland maître, qui a forcément envoyé un gros nombre de bêtises qui me font sourire et range rapidement le portable. Je suis déjà bien limité en multi-tâche d’habitude. Là, c’est dramatique, je n’arrive vraiment pas à faire deux choses à la fois.

J’arrive à une bifurcation de route. une bénévole est assise sur sa chaise de l’autre côté de la route. Je lui demande la route. Elle reste assise et me montre une rue derrière elle. Je suis dans un virage, je ne vois pas bien les voitures arrivant de droite, je demande “je traverse ?”, elle me répond, “oui, c’est derrière moi”. Je traverse donc et là… une voiture arrivait à fond la caisse et pile pour ne pas m’écraser. Je fais un grand bond de côté et me jette de l’autre côté de la route.

J’ai le coeur à 200 pulses/minutes. J’offre mon regard le plus lourd de reproche à la bénévole qui est censée sécuriser cette traversée. Elle me regarde bêtement, ne semblant nullement s’émouvoir de la situation. Désarmé par son manque de réaction, je continue ma route.

La route se termine et laisse place à un chemin sableux beaucoup plus dans l’esprit d’un trail. Ça dérape, ça monte super fort, mais c’est du trail.

On passe une grande zone de végétation brûlée. Les arbustes bas sont morts, les yukas ont le tronc brûlé mais quelques feuilles toutes neuves émergent par le haut.

Je double 2 coureurs. Cela fait bien longtemps que je n’avais pas vu de collègues. L’un me dit qu’il est sans énergie et n’avance plus, l’autre s'apitoie sur ces crampes.

Je les largue avec joie, ils se plaignent trop :-P. Je lâche tout de même un frimeur et condescendant “Bon courage”.

 

Colorado - 34h50 - 159km 9100mD+ - 68ème

J’arrive à Colorado. Aucun coureur à l’horizon, mais une armée de bénévoles.

Une belle brochette de petites kinés m’accueille en me demandant si je veux un massage.

J’explique que je suis un peu pressé d’arriver et que tout va bien pour moi. Elles me disent qu’elles s’ennuient. Dans la joie et l’euphorie d’arriver, je réponds que je peux faire un strip-tease pour les occuper car il faut que je mette mon T-shirt officiel affichant les sponsors de la course, obligation du règlement. Je ne peux pas décemment dévoiler la réaction du public devant mon show, j’aurais peur de rendre jaloux mes lecteurs.

Je croise M. Chicaud, Président de l’Organisation, qui me propose un gros croissant au beurre. Je l’accepte avec plaisir et quitte le ravitaillement.

Je courotte en mâchouillant mon croissant, mais il passe difficilement. J’offre la moitié à la végétation environnante.

J’entre dans un bois empierré, encore 4 km à faire, les genoux souffrent, mais je profite d’une douce joie intérieure, je vais le faire !

Après quelques virages techniques, une jolie vue de Saint-Denis, Sin Dni en créole, s’offre à moi.

Je décide de sortir l’appareil photo très capricieux depuis la dernière nuit. Il vibre quand je l’allume et n’arrive pas à faire la mise au point. je le secoue dans tous les sens pour essayer de prendre un cliché, mais rien à faire.

Tout à coup, j’entends de petits pas derrière moi et voit débouler une féminine. elle semble en forme et avance à un super rythme. Je prends une photo de l’arrivée que l’on voit en contre bas. et décide de la suivre.

On discute, ça occupe. Elle vient de la Réunion. s’entraîne dur, est partie en Himalaya et en Afrique du Sud pour s’entraîner… Du lourd.

Au détour d’un virage, je retrouve tout à coup la Cloche ! Sandrine est là, au taquet, sautillante, hurlante, dégageant une énergie incroyable.

Je m’excuse auprès de la féminine en lui disant que je vais devoir suivre Sandrine, sinon, elle va péter un câble. Je prends donc la roue. Elle descend beaucoup plus vite que mes genoux me le permettaient depuis un bien grand nombre de kilomètres. Mais voilà, mon cerveau injecte gentiment quelques millilitres d’adrénaline et d’endorphine et tout va bien. Je n’ai mal nul part, je pourrais reprendre le départ.

Redoute arrivée - 35h49 - 164km 9900mD+ - 66ème

Le stade approche, une petite route à traverser, j’y entre.

Nadège, Eloan et Manoë sont là dans l’uniforme rouge du Portet Athletic Club. Elodie, Ben, Raph, Léa sont là…. et même beaucoup plus puisque de nombreux pacmen, agrobitumien et autre supporter inconnu sont derrière leur écran pour suivre le direct vidéo des arrivées (mais, ça, je ne le savais pas. J’ignorais que c’était filmé).

J’entame le dernier virage main dans la main avec la famille, le speaker annonce mon arrivée.

 Je passe la ligne. C’est fini ! je l’ai fait ! Ma première vraie course !

 Je suis heureux. Le speaker m’interroge, me félicite. je ne suis pas concentré sur ces questions. On m’offre mon t-shirt finisher, ma médaille, je vais faire la bises à tout le monde.

La vidéo de l'arrivée (Merci PacSou !) :


L’après course

La suite, ce sera une bière blanche au bar, des samoussas, des discussions avec les copains et la familles. Des appels téléphoniques, des félicitations, … Des heures de gloire !

J'apprends l'abandon de Manue. Je suis déçu. Certainement moins qu'elle, mais j'aurais aimé partagé ma réussite. J'aurais aimé une belle arrivée en 38h, main dans la main avec Manue. Ce sera pour une autre année.

Je réalise petit à petit le nombre de gens qui ont suivi ma progression.

On rentre, je fais une sieste de 2h dans l’aprem, un apéro dînatoire créole le soir. Je lis le forum du PAC qui s’est activé incroyablement pendant l'épreuve. J’essaie de répondre aux mails de soutien, aux SMS reçus par Nadège. Je sais que j’ai oublié du monde, je les prie de m’excuser.

Les jours qui suivent sont difficiles. Je marche comme un pingouin, mais c’est dans la tête que c’est le plus dur. L’objectif est atteint, réalisé. C’est fini. Les félicitations s’espacent, je ne suis plus le centre du monde… je voulais prolonger ces moments incroyables !

Quelques remerciements

66e sur plus de 2000 coureurs, 36h, je n’en rêvais même pas. En écrivant ce compte-rendu, j'ai l'impression que tout a été facile. J'ai eu des moments de faiblesse, de fatigue, mais aucun moment de souffrance. Je ne me suis jamais posé la question : "Qu'est-ce que je fais là !?!". Je souhaite à tout le monde de vivre une course comme celle que j'ai vécu. Je n'en retiens qu'images de paysages magnifiques, partage avec la famille et les copains, en bref, du bonheur.

Un grand merci à tout ceux qui ont suivi cette aventure en direct, qui ont réagi, qui m'ont encouragé, qui m'ont félicité.  Savoir que des supporters espèrent, craignent, s'émerveillent, est une source de motivation incroyable et pousse vers l'avant. Famille, amis, collègues, amis des amis, amis de la famille, amis des amis des collègues de la famille : Merci à tous.

Ce résultat, je le dois en partie à mon entraînement. Cet entraînement, j'y ai pris un grand plaisir tout au long de l'année.
Des sorties rando le WE avec TP et le PAC, des entraînements qualité avec Teddy et les agrobitumiens le midi au boulot, des vacances sportives en famille. Ben oui, c'est bien grâce à la famille et la disponibilité que m'offre ma Doudou que j'ai pu faire cet entraînement : Merci le PAC, Merci TP, Merci Agrobitume, Merci la famille !

Raph et Didine, en 2006, j'étais devant mon écran pour suivre vos exploits sur cette Diagonale des Fous. Cette année, j'étais extrêmement heureux de vous avoir près de moi et de partager cette victoire personnelle avec vous. Le son de la cloche de Sandrine résonne toujours dans ma tête et le sauté de minh sera désormais un plat de référence pour mes trails. Le soutien de Raph dans Mafate restera un superbe souvenir. Ces 30km n'auraient pas été faciles, seul, perdu dans la nuit réunionnaise, le moral dans les chaussettes. Merci.

Ben et Didi, si vous n'aviez pas vécu cette belle année à la Réunion, je ne serais pas venu, je n'aurais pas visiter l'île, ni fait cette course. Votre soutien pendant la course a été génial. J'étais fier et motivé de bien faire ! Merci.

Ces moment forts, je les dois au Trail. Si je fais du trail aujourd'hui, si je rêve depuis quelques années de devenir un Fou, c'est grâce au Président JCK et à ses exploits aussi débiles que fous. Le suivre en 2009 sur la Diagonale laissait rêveur. Je n'aurais certainement jamais réalisé cette diagonale si je ne t'avais pas rencontré. Reviens vite en pleine santé sur le terrain et merci Président.

Merci à mes 2 loulous et à leurs regards où brillent tant de fierté pour leur papa.

Merci ma Doudou ! Je sais que tu es fière et heureuse du résultat, c'est grâce à toi. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.

Les Vacances démarrent !

Place aux vacances. On a une île à visiter, des copains à voir, des moments à partager en famille.


Posté le: il y a 10 ans 6 mois par Michel DUMAS #432
Portrait de Michel DUMAS
Tu as bien fait d'attendre la Réunion pour enfin réaliser ton rêve de devenir un Ultra Traileur. Ton exploit est à la hauteur de ta personnalité.... insolent de simplicité, de sincérité et de facilité. Tu es un vrai champion et un sacré bonhomme !!!!

Bises
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par CHEVALLIER Jean-yves #431
Portrait de Jean-Yves CHEVALLIER
Dernier étage de la fusée DEPIERRE, Jérôme, tu as réalisé ton rêve porté par toute ta famille et tes proches.
J'apprécie au delà de l'exploit sportif, sans lequel rien n'existe, ton compte rendu poignant.
Belle personne, belle famille.
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par Galou #429
Portrait de Galou
bravo frangin pour la course et pour le compte rendu, c'est palpitant !
bisous
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par ALLAIN Jean-marie #428
Portrait de Jean-Marie ALLAIN
Mon dieu Jérôme que c'est beau, les frissons m'ont parcouru tout le long de ton récit, et t'en remercie. je suis bien d'ac avec toi lorsque tu écris: "Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir noté les dossards des coureurs avec qui j’ai discuté. J’aurais aimé savoir si la course s’était bien passée pour eux"
l'envie tu la donnes.......alors on devient fou ?
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par MUNIER Frederic #427
Portrait de Frédéric MUNIER
J'ai tout lu : gros joli boulot !

Et ne t'en fais pas Jérôme, tu auras encore droit à ton 1/4 d'h de célébrité à la Andy Warhol demain ou dimanche sur la boucle ;)
Et ce sera amplement mérité car ce que tu as réalisé ne se fait pas en 1 claquement de doigt (je parle pas du CR, là !).

A ce we
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par PROUST Jerome #426
Portrait de Jérome PROUST
Un grand respect et bravo. Humble comme on t'apprécie.
G.
Posté le: il y a 10 ans 6 mois par AUDINET Séverine #425
Portrait de Séverine AUDINET
Un récit à la hauteur de l'exploit! encore Bravo.

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